OUVRIER.E.S PLASTICIEN.NE.S
FABIENNE FLAMBARD & ALISSONE PERDRIX
Ce Workshop s’inscrit au sein du Master EDAM (Écologie Des Arts et des Médias) et du Master ACSH (Arts Contemporains et Sciences Humaines) du Département arts plastiques de l’université Paris 8. Au début de l’année 2025, les étudiant·es ont été accueilli·es à l’usine Bernard Controls située à Gonesse (95). Christine Bernard et Alessandro Rolandi (fondateur
du premier Département Social Sensibility à Pékin) nous ont accompagnés durant les trois premières journées avec une attention particulièrement chaleureuse et une écoute de nos
envies d’exploration. Le projet de ce workshop avait été préparé en amont depuis juin 2024 en collaboration avec Blandine de La Taille, coordinatrice du département Social Sensibility du site de Gonesse.
Si l’expérimentation constitue l’axe méthodologique et pédagogique de nos ateliers, nous posons comme préalable à celle-ci une conscience du concept de praxis : ce “faire” dans lequel l’autre et les autres sont visés comme agent essentiel du développement de leur autonomie et de leur émancipation. En délocalisant nos ateliers dans des milieux éloignés géographiquement et symboliquement de l’institution universitaire, nous cherchons une dé-hiérarchisation des positionnements vis à vis de la transmission des connaissances et des interactions sociales ; nous redécouvrons à chaque fois les nécessaires et fructueuses rencontres avec l’imprévisible comme perspective. Depuis quatre ans, nous avons exploré
avec des groupes d’étudiant.es une exploitation de maraîchage dans le 95, des Ehpad et des résidences autonomie dans le 93, un élevage de moutons associé à l’artisanat du feutre dans le
69… À partir d’une friction avec le réel qui impliquent des expériences vécues, nous cherchons à opérer des déplacements sur les modalités et les visées de l’agir plasticien qui s’avèrent porteurs de sens pour toutes les parties prenantes. Comment présenter l’entreprise Bernard Controls au-delà de ce qu’elle conçoit, fabrique et commercialise depuis 90 ans : des “actionneurs électriques pour le pilotage des vannes et des systèmes de ventilation industriels ainsi que les systèmes de contrôle associés” ? En nous ouvrant ses portes, elle démontre généreusement qu’elle sait également produire du jeu qui encourage de nouveaux espaces - temps transitionnels sans avoir peur de créer de l’inutile. Corrélativement, elle donne à penser, pour celles et ceux qui y sont sensibles, sa haute considération pour la valeur du travail humain, sans pour autant en faire parade. Inspirées et nourries par le travail d’observation qui a pris plusieurs formes (captations sonores, recherches graphiques, expérimentations par le modelage et l’assemblage, récupération de pièces non conformes...) et par les échanges avec le personnel de l’usine et du siège de l’entreprise, les recherches menées au fil des journées ont visé à repenser et ré-imaginer des formes de récits de vie au travail.
Nous imaginions parcourir discrètement les ZAP (Zone
Autonome de Production) pour ne pas ralentir la cadence
de travail, observer à distance les ouvrier.es ou encore
pique-niquer entre-nous dans un petit coin... Nous avons été, en réalité, accueillis comme des invités d’honneur et comme faisant partie du personnel.
Au fil des journées, différentes salles de réunions se sont
transformées en lieu de rencontre et d’atelier improvisé.
Nos repas à la cantine du personnel furent des moments
émouvants, chaleureux et fructueux qui ont permis de se
rendre compte du fonctionnement atypique de l’entreprise
et de sa complicité avec le département Social Sensibility.
L’inimaginable s’est révélé de jour en jour ; nous avons
découvert qu’au coeur des objectifs établis par une logique
entrepreneuriale pouvaient coexister des désirs qui
contredisent la rationalité de l’organisation : s’autoriser à
ralentir une cadence de travail pour accueillir des étudiant.es d’arts plastiques ; développer une pratique artistique sur les heures de travail ; initier des démarches artistiques de manière désintéressée, sans attente de retour sur investissement ; engager le même état d’esprit dans toutes les usines Bernard Controls, que ce soit en France, en Chine, ou aux États-Unis.
Les étudiant.es ont quitté l’usine, à la fin du troisième
jour, avec des sacs remplis de pièces détachées de
servomoteurs, des expériences humaines inoubliables
retranscrites sur des carnets, des dessins mais aussi des
images parfois produites par les ouvriers eux-mêmes ainsi que des captations sonores. Les deux dernières journées se sont déroulées dans les ateliers de l’université. Une retombée de l’excitation s’est faite ressentir puis une émulation collective a repris dans la perspective d’une exposition restitution. Deux expositions ont eu lieu simultanément à l’usine et à Paris 8. Des retours du personnel de Paris 8 ont fait écho aux ressentis du
personnel de l’usine.
Le travail d’édition s’est donné comme partition quatre angles de récit qui visent à mettre au travail les différents actes de ce
workshop :
NOUAGES SENSIBLES & DÉNOUEMENTS
INCERTAINS
MIMESIS & DISCORDANCES
EXPÉRIENCES VIVES & ACTES DE FABULATIONS
LIEUX MANIFESTES & CONFIGURATIONS HÉTÉROGÈNES
Se conjuguent des amorces d’actes plastiques, des éclats
de production exposés, des traces documentaires
écrites et des aperçus invus et inouïs de ce lieu atypique. L’ensemble cherche à entrevoir le récit pédagogique d’une
expérience collective inénarrable pour le plaisir de l’échange et la beauté du geste.







